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Carnet de dessins : esthétique et recherche

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Les enjeux d’une plateforme collaborative sur le dessin comme objet historique dont il faut questionner l’identification, la qualification, la fonction sociale, le capital symbolique sont d’importance. A priori, rien d’approchant en sciences sociales alors même que le sujet, méritant l’interprétation transdisciplinaire, le réclame.

Aussi bien, le parti pris retenu est le suivant : adossé à une masse critique au taux de représentativité admis (en l’espèce, la collection de dessins du musée des Arts décoratifs), il est proposé de réfléchir, collectivement, à des pratiques de travail inscrivant le musée comme lieu de recherche évident pour lire et comprendre le « geste graphique » (sic), élément cardinal du processus créateur.

 

Page d’accueil du carnet au 30 novembre 2012

De fait, le blog distribue les informations dans trois directions correspondant aux trois axes de travail premiers.

La connaissance des collections

Proposer, sur le temps court, un panorama raisonné des dessins conservés est l’évidence. Cet opus générique, prévu pour 2014, espère offrir une cartographie iconique et critique des fonds d’ateliers et unica composites de la collection dans la mesure où il présentera les ensembles en retraçant, chaque fois, leur historicité et traçabilité. Cette première brique posée, une analyse plus fine, par corpus (thématiques, chronologiques, par écoles) trouvera tout son sens parce que chaque lot et/ou pièce – désigné, attribué, réattribué, complété, conforté par une historiographie mise à jour – pourra dès lors être replacé au titre de fragment d’une unité plus large dont les modes d’enrichissement sont posés en amont.

Connaître l’existant, c’est truisme de le dire, autorise une politique d’acquisition intelligible et intelligente. A l’évidence, pointer les richesses mais aussi les angles morts d’une collection permet d’ordonner les priorités. En l’espèce, elles sont ici de trois ordres : d’abord, acquérir des pièces majeures quand elles participent à l’explicitation (et non obligatoirement à l’explication) d’une œuvre ; ensuite, en tradition avec le principe accumulatif de la « série » inscrit dans l’ADN du musée des Arts décoratifs, l’objectif est, sur le court terme, de combler les années 1970-1980. C’est pourquoi, par le biais d’une enquête sociologique menée auprès des créateurs produisant massivement post 1968 et jusqu’au coude des années 1980-1985, le choix est fait de sélectionner, avec les artistes – par ailleurs interrogés sur le mode du récit biographique autant que sur leur pratique du dessin et la/les fonctions sociales et esthétiques qu’ils lui affectent – des dessins imaginés, imaginaires, à l’allure d’un « premier jet » ou presque aboutis avant la réalisation de l’objet, rêvés et/ou abandonnés etc. La méthode quantitative ici fait ses preuves car elle autorise les croisements validant ou invalidant les hypothèses. Enfin, on espère rendre compte du travail « in progress » de l’actuelle génération de dessinateurs qui, s’appropriant le graphe, propose un/des nouveaux geste(s), souvent en frontière avec l’écriture.

 

L’exposition des collections

Un musée donne à voir des collections et la création d’un contact direct espéré empathique entre une œuvre et son public oblige à montrer le dessin. Exercice réputé difficile car à la fois ardu et ressenti aride, il est utile sitôt que la démonstration recherchée est évidente. Ici, le propos, simple, consiste à présenter l’abstract d’une production créatrice en contexte. De la sorte, une vingtaine de dessins, jamais à la manière de chefs d’œuvres cumulés mais toujours telles des pièces qui, en rapprochements, en combinaisons, en imbrications, en « solidarité de fabrique », rendent compte d’un artiste, d’un atelier, d’une manufacture au travail. Et là, dans un « univers » dès lors reconstitué par une scénographie qui convoque la couleur, l’écriture et la musique symboliques, c’est une production entière qui se présente au regard. Elle s’apprécie pour elle-même, qualitativement, quantitativement aussi : par l’usage d’une virtualité intelligente, les vingt/ trente dessins sont désormais compris à l’échelle des quelque cent, mille ou plus qui composent la collection originelle défilant sur écran, tels des filigranes, pour rappeler la socio-genèse des feuilles présentées.

Actuellement, sont visibles :

À venir, fin 2012-premier trimestre 2013 (couvrant ainsi la Semaine du dessin du 11 au 14 avril 2013) sur les mêmes stances chronologiques, se succèderont :

  • la donation David David Weill et une sélection de dessins d’Augustin Dupré

Modèle de vase, Louis-Joseph Le Lorrain, France, 18e siècle, sépia, inv. 20825.B. © Les Arts Décoratifs

 

Projet d’ornement : amour soutenant une chandelle, Augustin Dupré (1748 – 1833), France, 18e/19e siècle , sanguine, inv. 1009.23. © Les Arts Décoratifs

 

  • les créations graphiques d’Eugène Grasset et d’Eugène Lami

Femme dans un jardin au soleil couchant, Eugène Grasset (1841 – 1917), France, aquarelle, inv. 38192, © Les Arts Décoratifs

 

Projet de plafond, Eugène Lami (1800 – 1890), France, 19e siècle, encre brune, aquarelle, inv. CD 5732.3. © Les Arts Décoratifs

 

  • Les dessins préparatoires d’André Arbus et d’Emilio Terry

 

Projet de fauteuil, André Arbus (1903 – 1969), France, 1942/1944, sanguine, inv. 997.95.19. © Les Arts Décoratifs

 

Projet: pavillon en feuillages, Emilio Terry y Sanchez (1890 – 1969), France, 1932, encre noire et lavis, inv. 47773.66. © Les Arts Décoratifs

 

L’étude des collections

A côté de l’ouvrage de synthèse présentant une vision cavalière des collections est en préparation une bio-monographie du « proto-designer » Jean Burkhalter :

À paraître : Agnès CALLU, avec Hélène ANDRIEUX, Pauline JUPPIN et Morgane LANOUE, Jean Burkhalter (1895-1982) : « construire, c’est donner une forme utile à la matière », Paris, Les Arts décoratifs 2014.

À l’écart de la monographie linéaire, du seul catalogue des œuvres ou d’un florilège de pièces réputées remarquables, l’ouvrage espère restituer la trajectoire d’un artiste autant que les lignes de forces d’une production plurielle en s’adossant au fonds d’atelier (dessins et manuscrits) de Jean Burkhalter confié au département des Arts graphiques (Cabinet des Dessins) du musée des Arts décoratifs en 2008 par les héritiers Burkhalter.

Construit à la manière d’une monographie, l’ouvrage, sur un rythme ternaire, s‘ouvre sur un essai de portrait distribué en deux directions. D’abord, en bref, les singularités culturelles de l’homme : ses origines sociales, sa formation, le panorama de sa création et le rôle de transmission qui fut le sien dans ses activités professorales. Ensuite, autour du triptyque « Penser, Suivre, Rencontrer », s’exposent son engagement et sa conception esthétique de l’Art ; l’unicité de son parcours dans le même temps que l’influence de ses modèles, classiques comme contemporains ; son insertion dans des cercles de sociabilités générationnels. Une seconde partie est, à raison, consacrée à la carrière de « directeur d’école d’art » de Jean Burkhalter, marquée par l’établissement d’un programme pédagogique original et son application, à l’échelle locale, car à Grenoble, Auxerre, Saint-Étienne et Limoges s’inventent, successivement, des rites et pratiques de travail au profit d’une formation novatrice – presque expérimentale – pour les étudiants. En clausule, mais dès lors contextualisée, s’affiche enfin, selon une trame chrono-sectorielle, la création de Jean Burkhalter, un artiste qui se saisissant de multiples supports, toujours reprend et reproduit un « univers des formes » auquel s’identifie, en longue durée, une signature artistique singulière.

Par ailleurs, un séminaire de recherche, porté par l’École des Chartes et le CNRS (IHTP, Institut d’histoire du temps présent) sur « l’épistémologie du dessin » – dont les résultats seront publiés – réfléchit à la production, la nature, l’organisation et l’évolution des connaissances sur le Dessin de 1850 aux années 2010 (voir : http://dessins.hypotheses.org/493)

Les enjeux de « Carnet de dessins : esthétique et recherche » sont évidents. Par-delà le récit singulier d’une équipe de recherche au travail, c’est, dans un état d’esprit résolument pluridisciplinaire, l’échange de connaissances qui est attendu. Le dessin, encore aujourd’hui, catégorisé du côté de l’hyper érudition ou, à l’inverse, de l’illustration sèche de l’œuvre « monumentalisée », seule digne d’intérêt et de reconnaissance, attend les explications plurielles et croisées, issues aussi bien de la recherche universitaire que de l’auto-discours proposé par les créateurs eux-mêmes.


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